Teresa Freixes: On n’a pas condamné le nationalisme en tant que tel

On n’a pas condamné le nationalisme en tant que tel, parce que notre système n'est pas un système de démocratie militante. On a condamné des personnes spécifiques, ayant des responsabilités spécifiques, qui ont commis des actes dont il a été prouvé qu'ils constituaient des crimes. Et cela a été fait dans le cadre d'un jugement contradictoire, qui a bénéficié de toutes les garanties procédurales requises...

Teresa Freixes

La Cour suprême d'Espagne a rendu un jugement qui doit s'inscrire dans le cadre de la défense de l'État de droit, propre à toute démocratie consolidée. Dans tous les États membres de l'Union européenne, et pour l'Union elle-même, l'État de droit, c'est-à-dire le respect de la Constitution et la loi, est l'une des valeurs fondamentales sur lesquelles repose le système. Tel qu'adopté en 1948 lors de la création du Conseil de l'Europe au Congrès de La Haye, il n’y a pas de démocratie sans État de droit et sans démocratie les droits de l’homme n’existent pas non plus.

Une sentence a été prononcée, non pas parce qu'on avait tenté de laisser voter les Catalans, comme certains le défendent, mais parce que la Generalitat de Catalogne et les partis et organisations sociales qui la soutiennent ont lancé le plus grand défi à la démocratie en Espagne depuis quelques décennies. Une majorité parlementaire qui n'a pas de majorité sociale, puisqu'elle est obtenue par l'effet d'un système électoral qui accorde une priorité disproportionnée au vote de certaines zones et en violation des règles de la Chambre elle-même, a approuvé sans possibilité de discuter des amendements, les lois dites « de déconnexion », la loi du référendum d'autodétermination et la loi de transition juridique et de constitution de la République, qui furent immédiatement suspendues et déclarées inconstitutionnelles ultérieurement par la Cour constitutionnelle.

Sans tenir compte de l'interdiction constitutionnelle, le Gouvernement catalan a convoqué le faux référendum du 1er octobre, sur lequel la Commission de Venise elle-même (organe de contrôle de la qualité démocratique intégré au Conseil de l'Europe) a averti qu'il ne disposait pas de la base juridique et des garanties propres aux systèmes démocratiques. En outre, au Parlement de la Catalogne a eu lieu la déclaration unilatérale d'indépendance honteuse de la part des députés sécessionnistes, si honteuse qu'une fois déclarée et signée par écrit, elle a été suspendue et cachée.

Tels sont les faits qui, comme dans tout autre pays démocratique, ont fondé l'action de la justice, puisque ce faisant ils ont tenté la sécession d'une partie du territoire, sans aucun respect pour la loi ou la démocratie, ou les droits des citoyens non sécessionnistes, majoritaires et représentés dans la Chambre par des partis qui ont subi le «rouleau» de la majorité des députés.

On peut discuter, tant sur le plan juridique qu'académique, de la question de savoir si les faits prouvés dans la décision de la Cour suprême s'inscrivent dans le crime de rébellion ou de sédition, qui sont tous deux inscrits dans le Code pénal espagnol. Les biens juridiques protégés par chacun sont différents : l'ordre constitutionnel en rébellion et l'ordre public en sédition. Les éléments du type pénal sont parfois concordants et d'autres fois différents, parce que, bien que supposant toujours l'existence de la violence, il est nécessaire de distinguer le but de celle-ci et son lien direct avec l’objectif criminel : la violence visant directement la sécession dans le cas de la rébellion, et la violence qui vise à empêcher l'application des lois et à entraver l’exécution des décisions judiciaires en sédition.

La Cour suprême, la plus haute instance judiciaire, a soutenu que c'est dans le crime de sédition que les faits s'inscrivent et elle l'a fait à l'unanimité. En même temps, elle a délimité la participation spécifique de chacun des accusés qu'ils soient ou non fonctionnaires - les particuliers peuvent également être les auteurs du crime de sédition - afin de pouvoir adapter la peine en tenant compte également des responsabilités politiques qu'ils avaient à l'époque et que les fonctionnaires qui s'étaient écartés des décisions politiques ne fussent pas condamnés pour ce crime. De même, dans le cas du crime de détournement de fonds, ceux qui n'avaient aucune compétence sur l'administration de l’argent public n'ont, eux non-plus, pas été condamnés.

On n’a pas condamné le nationalisme en tant que tel, parce que notre système n'est pas un système de démocratie militante. On a condamné des personnes spécifiques, ayant des responsabilités spécifiques, qui ont commis des actes dont il a été prouvé qu'ils constituaient des crimes. Et cela a été fait dans le cadre d'un jugement contradictoire, qui a bénéficié de toutes les garanties procédurales requises par l'article 24 de la Constitution et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en tenant particulièrement compte de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et de la Cour de Strasbourg, comme cela aurait été fait dans tout autre État démocratique non seulement en Europe, mais aussi dans le monde.

L'autodétermination n'est pas un droit applicable au cas de la Catalogne, tout comme elle ne l'est pas à celui des autres communautés sociales qui aspirent à devenir des États. La décision de la Cour suprême elle-même le confirme. Pour que nous parlions d'un droit, il faut remplir des conditions, établies dans le Droit interne du pays et dans le Droit international. La Catalogne n'a pas de passé colonial et n'est pas soumise à l'Espagne, car elle jouit d'un niveau d'autonomie parmi les plus élevés d’États fédéraux ou régionaux. Des aspirations comme celles de ce secteur, minoritaire, de la société catalane, existent également dans d'autres pays européens et on a essayé de les mener à terme en Italie et en Allemagne, mais les Cours constitutionnelles des deux pays ont refusé cette possibilité, ce qui a été respecté par les autorités internes.

Cela n'a pas été le cas en Catalogne, où le gouvernement et la majorité parlementaire, en désobéissance flagrante aux décisions judiciaires, ont voulu forcer une rêverie et la réaliser par des moyens criminels. Dans aucun pays démocratique une telle chose ne s'est produite et, si cela avait été le cas, l'Etat de droit aurait été activé dans tous ces pays sans aucun doute.

Cette condamnation, qui doit être respectée et appliquée comme celles de toutes les instances judiciaires, peut faire l'objet d'un recours devant la Cour constitutionnelle et, si les condamnés le souhaitent, devant la Cour européenne des Droits de l'homme puisque l’Espagne, en tant que démocratie consolidée qui occupe une place importante dans les index référentiels en ce domaine, et qui est l'un des États qui reçoit le moins de condamnations par la Cour de Strasbourg, offre dans son système juridique un maximum de garanties.

Nul n'a été jugé pour avoir exercé la liberté d'expression, le droit de réunion ou l'organisation d'un vote, mais pour des faits dont l'illégalité a été prouvée lors d'un procès public, diffusé directement à la télévision dans toutes ses sessions, et qui, comme les organisations judiciaires, dont des Juges pour la Démocratie, l'ont reconnu dans leurs communiqués, s'est parfaitement déroulé.

Créé: 21.10.2019, 15h45

Fuente: Teresa Freixes: On n’a pas condamné le nationalisme en tant que tel

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