María-José Peña: Moi, qui suis n’importe qui, je ne veux pas « dialoguer » contre la loi qui nous protège tous

Le sentiment nationaliste ne m’inquiète pas. Ce qui m’inquiète, par contre, ce sont les actions que le nationalisme exécute contre la Loi et, en conséquence, contre nous tous, qui sommes protégés par elle.

María-José Peña leyendo, 2019.

Maria Jose Peña

Vous voyez, moi, qui ne suis personne, je voudrais dire quelque chose.

Le sentiment nationaliste ne m’inquiète pas. Si j’avais le pouvoir de le faire, je ne prendrais aucune mesure contre lui ou pour le faire disparaître. Il leur appartient, à eux, à ceux qui le ressentent ainsi ou qui ont voulu le ressentir ou qui ont été induits à cela ; qu’ils le conservent au fond de leur cœur ou, s’ils veulent, dans du formol.

Ce qui m’inquiète, par contre, ce sont les actions que le nationalisme exécute contre la Loi et, en conséquence, contre nous tous, qui sommes protégés par elle, que ce soit occuper les rues ou couvrir de lacets jaunes les espaces communs. Et, plus que m’inquiéter, cela m’indigne que ces actions soient commises depuis le pouvoir autonomique qui doit nous représenter tous. Cela m’indigne, parce que, en mon nom, ils osent aller contre moi. Cela m’indigne, parce qu’ils trahissent la loyauté due à l’État dont ils font partie et duquel ils se nourrissent généreusement pour leur propre subsistance personnelle et pour l’attaquer officiellement. Cela m’indigne, parce qu’ils lancent à l’État et à ses Lois un défi qui est intolérable et qu’aucune démocratie ne peut se permettre. Cela m’indigne, surtout, parce qu’en plus d’aller contre moi, contre la loyauté due aux Lois et contre l’État lui-même, ils vont aussi contre la démocratie qui nous donne un petit espace au soleil des droits et devoirs égaux pour tous.

Et donc, ce nationalisme au pouvoir, je ne le respecte pas. Et dans la situation actuelle de conversations pour un Pacte d’Investiture, je ne le reconnais pas non plus comme interlocuteur pour la Table de Dialogue de la Catalogne dans laquelle je me trouve ; je me déclare soumise par lui. Il n’y a donc rien dont je puisse parler avec lui et rien sur quoi je puisse m’accorder avec lui et, de plus, je ne crois pas qu’il y ait un seul point sur lequel nous pourrions nous rencontrer. C’est pourquoi je ne me considère pas représentée par lui et je ne veux pas être représentée par d’autres qui jugeraient que moi, et ceux qui sont comme moi, nous devrions avoir quelque chose à dire ou à demander à cette Table de Dialogue qui recouvre les ambitions des uns et la voracité des autres pour, dans cette alliance, en finir avec ce que je suis et que la Loi me garantit : Espagnol, libre et égal aux autres Espagnols.

Je ne peux ni ne veux être là. Mes droits sont antérieurs à leurs impositions. Il y a donc un empêchement qui m’interdit d’occuper un siège dans cette Table de Dialogue dans  laquelle les uns me privent de droits et les autres y consentent : La Loi. Cette Loi qui déjà me protège mais qui n’est pas appliquée, c’est son application que je réclame.

Parce que, si on appliquait la Loi et qu’on respectait las Jugements des Tribunaux, on n’aurait besoin ni de Table ni de Dialogue ; il serait superflu, le dialogue avec ceux qui brisent tout. Donc je me refuse, représentée par n’importe qui, à réclamer le rôle d’un interlocuteur de plus au sein du groupe de ceux qui m’assaillent et au sein du groupe de ceux qui ignorent ma défense. Mes droits, aujourd’hui non reconnus, sont au-dessus d’eux ; je ne vais pas les rabaisser en les mettant aux enchères.

 Autre chose

 Nous avons une société plurielle et brisée, nous le savons. Nous savons aussi qui l’a brisée. Mais aujourd’hui nous en sommes là. Assumer le fait que la réalité sociale soit brisée nous dit que nous, les citoyens de Catalogne, nous devrions essayer de cohabiter au quotidien de la manière la plus éduquée possible, en marge des sentiments des uns et des autres. Mais… toujours, les uns et les autres soumis à la Loi que ne respectent pas aujourd’hui ceux qui, depuis le pouvoir, représentent, forment, configurent et stimulent la partie nationaliste. En aucun cas l’appel à la cohabitation ne doit accepter, comme s’il s’agissait d’un malheur venu du ciel, les impositions volontaires et intentionnelles qui diminuent ou suppriment les libertés et les droits et qui nous sont imposées depuis ce nationalisme au pouvoir. Et par amour pour cette cohabitation, on ne peut pas non plus négocier continuellement sa diminution.

Et encore

Il n’est pas légitime non plus de donner une participation à la vie publique à qui veut en terminer avec l’organisation que nous avons de cette vie publique par un détour différent du chemin prévu. Et il ne devrait pas être légitime de donner cette participation à qui, pour conserver un pouvoir diminué obtenu par les urnes, est disposé à appeler pour le partager ceux qui veulent détruire celui de tous : la souveraineté nationale. Mais nous connaissons déjà la faiblesse dont nous souffrons et nous savons que souvent nous ouvrons la porte de la maison à celui qui vient l’incendier.

 En conséquence, le Gouvernement, ou le prétendu gouvernement qui ne s’ajuste pas à la stricte application de la Loi ou qui profite des révoltes de la démocratie pour aller contre ceux qui sont protégés par la Loi, ne devrait pas être le Gouvernement. Il y a déjà des propositions dans ce sens. Mais si, même ainsi, dans son désir impérieux d’obtenir le pouvoir, il brandit comme aval de ce droit les votes insuffisants obtenus dans les urnes et cherche à compenser cette insuffisance avec les appuis parlementaires que pourraient lui donner temporairement ceux qui ne le respecteront pas lui-même, qu’il le fasse ! Nous savons déjà que notre démocratie n’a pas su se protéger des bandits de grand chemin, mais qu’il ne compte pas sur la bénédiction de ma modeste mais ferme présence de constitutionaliste ; quelqu’un, n’importe qui. Qu’ils se comprennent entre eux. Comme ils sauront ou comme ils pourront. Ou qu’ils ne se comprennent pas, peu importe. Il nous restera, à moi, un constitutionaliste quelconque, et à beaucoup d’autres comme moi, à attendre tout au long des quatre prochaines années l’inévitable effondrement de ce que nous sommes tous ensemble. Et espérer que, dans les décombres, auront disparu ceux qui ont causé le mal.

Il se pourrait que des cendres renaisse l’Espagne qu’on a voulu détruire ou laisser détruire.

 Source : María-José Peña: YO, UNO CUALQUIERA (Un constitucionalista catalán ante la Mesa de Negociación).

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