Œcuménisme à la Mosquée de Cordoue

Je suis ancien professeur d'éthique du Grand Séminaire de Cordoue et professeur émérite de l'Université catholique de Louvain, où j'ai travaillé depuis que j'ai quitté l'Espagne en août 1961. Je rappelle ces titres non pas pour réclamer mon droit à donner un conseil à l'actuel Evêque de Cordoue ou au chapitre de la cathédrale, mais pour exprimer mon sentiment de chrétien qui partage des croyances fondamentales avec tous les croyants monothéistes, parmi lesquels les musulmans occupent une place très importante.

Pour avoir fréquenté assidument la Mosquée de Cordoue pour participer à la messe, durant l'année scolaire 1960-1961, je sais qu'il est matériellement possible que les musulmans prient librement face au mihrab, sans qu'il y ait aucune confusion entre ce lieu sacré musulman de la mosquée, qui a été préservé, et le reste de l'ensemble architectural, où aussi bien la Cathédrale que le reste des lieux de culte catholique ou les chapelles occupent des espaces clairement différenciés. Je crois me souvenir que beaucoup de ces chapelles, si pas toutes, sont munies de grilles qui les protègent de tout type d'abus possible.

Ma modeste opinion est que la confusion qu'on craint n'est pas de type religieux mais plutôt politique, et de la politique faible, pour ne pas dire de la mauvaise politique.

Ce n'est pas le moment d'entendre les voix stridentes des fanatiques qui, aussi bien dans notre religion que dans les autres religions monothéistes, attribuent au Dieu unique la mesquinerie de nos querelles. Ecoutons plutôt le sentiment de fraternité que doit nous inspirer la reconnaissance de notre filiation commune. Ce sentiment peut nous inspirer intelligemment un désir, une obligation et un droit de réciprocité, mais non une nouvelle exigence d'exclusion du frère de la maison commune du Père.

Certains peuvent me reprocher le fait que je suis en train d'offrir à nos frères musulmans l'usage et peut-être l'abus de la Cathédrale de Cordoue. Que ces opposants me permettent de leur rappeler que l'espace immense de la Mosquée de Cordoue ne se réduit pas à l'espace occupé par la Cathédrale. Je l'ai déjà dit. Dans l'espace généreux de la Mosquée, qui peut être conçu dans son ensemble comme une ville ou une ample et merveilleuse maison commune des croyants monothéistes, il y a moyen de pratiquer sans confusion l'œcuménisme le plus harmonieux. C'est à monsieur l'Evêque, au chapitre de la cathédrale et aux représentants légitimes de la communauté catholique ainsi que de la communauté musulmane, d'étudier la meilleure formule de cet œcuménisme harmonieux qui se pratique déjà dans d'autres chapelles et églises du monde entier.

Une dernière réflexion : Nous avons commis la légèreté d'ouvrir les portes de nos églises à la frivolité du tourisme et nous hésitons à les ouvrir à la ferveur de la prière ? Pensons à la leçon que nous a donnée Jésus lorsqu'il affronta les vendeurs du Temple de Jérusalem, en leur reprochant d'avoir fait de la maison de son Père une maison de trafiquants (Jean 2, 13-22; 3, 1-21).

Source: Mon article "Ecumenismo en la Mezquita de Córdoba", publié en espagnol le 28.12.2006.
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