María-José Peña : « Stupeur », « Fermer les yeux », « La conscience sociale »


Depuis Bruxelles nous remercions María-José Peña pour ses excellents messages d’alerte, que nous appuyons, et dont l’articulation diégétique débouche sur le seul épisode positif qui peut nous réconforter dans les tragiques circonstances actuelles : les élections promises et non accomplies par le squatter de la Moncloa

Luis Bouza-Brey l’exprime très justement et sans ambiguïté :

Le Gouvernement est le collaborateur nécessaire du coup d’état. C’est le rôle qu’il a assumé. Et entretemps les lâches barons du PSOE assistent, soumis, à l’homicide-suicide promu par Sánchez.

Et Ciudadanos et PP n’ont pas d’excuses pour leur comportement mielleux, parce qu’on ne peut pas compter sur le PSOE tant qu’il n’a pas subi l’ostracisme mérité : il a cessé d’être constitutionnaliste pour se transformer en collaborateur nécessaire du coup d’état, et le seul espoir qui reste est une confrontation ferme avec lui et avec les putschistes, pour convoquer en urgence des élections et y arriver avant que ne se produisent d’autres dégâts.

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STUPEUR
María-José Peña

Il apparaît pour le moins surprenant que Madame Ana Pastor, Présidente du Congrès des Députés, invite l’actuel chef des insurgés à comparaître au Congrès pour y défendre ses positions.

Vous voyez, Madame Pastor, le sens commun me dit qu’on invite au Congrès, pour y exposer et défendre leurs positions, tous les responsables politiques qui, en respectant les règles du jeu, souhaitent exposer et défendre des propositions politiques novatrices qui se soumettront, inéluctablement, aux processus établis et qui accepteront, inévitablement, les résultats qui en sortiront.

Pas dans le cas qui nous occupe, Madame Pastor. Dans ce cas-ci, on a rompu les règles du jeu il y a déjà longtemps et chaque jour on renouvelle la rupture bien que ni le Gouvernement central ni le Parlement de notre pays ne veuillent le voir. Aujourd’hui, sans aller plus loin, on les a rompues une fois de plus.

Aussi, Madame Pastor, c’est de l’étonnement, plus que de l’étonnement, de la stupeur, que m’a produit votre invitation au Président de la Generalitat, M. Quim Torra, qui a donné de nombreux signes de son mépris envers les Espagnols, envers tous les Espagnols, pour leur seule condition d’être Espagnols ; qui fait étalage constant de sa déloyauté envers l’État qui le paye et qu’il représente en Catalogne ; qui a donné des preuves de sa déconsidération envers le chef de l’État et de sa provocation constante, et très spécialement envers un des trois pouvoirs de l’État, le judiciaire ; qui a fait table rase du rôle institutionnel qui revient aux parlementaires autonomiques qui sont dans l’opposition à son Gouvernement ; qui ignore cette population catalane, patiente et écrasée, au moins la moitié d’entre elle, qui n’a ni le respect de ceux qui la gouvernent ni la protection du Gouvernement de la Nation ; cela m’a produit de la stupeur, dis-je, que celui qui a fait tout cela soit invité à comparaître au Parlement espagnol, la maison de la souveraineté nationale, où nous sommes tous représentés et où on élabore les lois qui doivent nous donner la même sécurité et protection à tous, pour cracher sur tout cela.

Madame Pastor, ne tombez pas dans la même attitude que le Président du Gouvernement, ouvrez les yeux, jetez ce complexe dont souffrent beaucoup des membres de votre parti et reconnaissez que celui qui vous dit et vous redit jour après jour que son objectif est d’attaquer l’État espagnol et d’obtenir la sécession, qu’il désobéira à toutes les lois de l’État qui ne lui paraissent pas acceptables et que s’il y a condamnation dans le jugement du coup d’état il se permettra, avec les clés que lui a confiées le Président du Gouvernement, de mettre les condamnés dans la rue, celui-là, vous ne pouvez pas l’inviter au Congrès.

Comment prétendez-vous, ainsi que certains membres de votre parti, obtenir sur cette question le respect et le soutien de l’Europe, si ici même on traite avec des gants de soie le putschisme qu’on dénonce à l’extérieur, et si on l’invite à diffuser ses idées illégales et déloyales dans le Saint des Saints de la souveraineté nationale ?

L’issue se présente mal, Madame Pastor ; enfin, je pense qu’il n’y a aucune issue. Mais pour n’importe quelle autre cause, vous savez pourquoi ? Parce que vous-même, et beaucoup, beaucoup d’autres personnes comme vous, des personnes correctes, justes, modérées, ont commis l’erreur, la terrible erreur, d’écouter celui qui piétine l’État et veut le détruire et d’ignorer ceux que vous êtes obligés de prendre en considération.

Aussi, permettez-moi de vous dire, avec toute la considération due à votre personne et à votre fonction, que par votre invitation vous abaissez la gravité de la conduite de l’invité et de tous ceux que lui-même défend et représente. Il n’est ni naturel ni admissible aux yeux d’une citoyenne affectée par ce putschisme que la Présidence du Congrès invite l’auteur à aller au Parlement pour le défendre. Aucun État démocratique n’offre cela à celui qui veut détruire sa démocratie ; nous ne devrions pas le faire ici non plus.

Source : María-José Peña: PASMO

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FERMER LES YEUX
María-José Peña

Nous sommes sur la voie.

Non sur la voie de la solution du problème mais sur la voie de la démolition totale de l’édifice Espagne. Il a été long ce chemin pour en arriver là. Et douloureux.

Il n’est plus l’heure déjà, bien que souvent je m’y arrête, de rappeler comment on en est arrivé là sans que personne ne s’oppose. Et aujourd’hui, alors que nous sommes arrivés à la fin, le dernier de nos gouvernants propose la dernière absurdité : un referendum qui ouvrirait la porte à une réforme de l’Estatut qui pourrait modifier ce qu’un jour le Tribunal constitutionnel a considéré inconstitutionnel.

La proposition n’est pas étrange, venant de qui elle vient. Et, naturellement, la formuler a tout son sens. D’abord parce que celui qui la formule n’a pas une idée claire de ce qu’est l’Espagne, ni socialement ni historiquement. Ensuite parce que c’est la dernière bêtise de quelqu’un qui ne sait ni ne peut proposer rien de nouveau. Ce monsieur n’est pas réaliste et semble ne pas savoir compter. Son équipe, ses conseillers, les avocats-conseils finiront par l’informer du fait que les chiffres commandent et que cela n’a pas de sens de proposer ce qu’il est impossible d’approuver. Mais cela, il le rectifiera plus tard, quand il sera mieux informé, comme il a rectifié presque tout jusqu’à maintenant. Bien que, probablement, ce ne sera pas nécessaire. Le sécessionnisme catalan lui répétera demain ce qu’il n’a jamais cessé de lui dire : que finaliser le coup d’état est son objectif.

Notre Gouvernant continuera à ignorer tout ce qu’on lui dira et c’est compréhensible. S’il portait attention aux mots prononcés par le sécessionnisme catalan installé dans le Palau de la Generalitat, il devrait mener à bien une action ni voulue ni comprise. C’est pourquoi il se réfugie dans l’équivoque. Là il y a une marge d’action. Par exemple, dire que le dialogue arrangera tout ; par exemple, dire que la rupture de la légalité produite l’année dernière et qui est sur le point d’être jugée aurait dû être traitée comme une question politique ; par exemple, proposer un referendum pour légaliser ce qui illégalisé.

Mais il n’y aurait pas de marge pour l’équivoque si tout à coup notre Gouvernant ouvrait les yeux et remarquait le lacet que Monsieur Torra porte sur la poitrine. Et l’offense et l’insulte que cela signifie. Il n’y aurait pas de marge pour l’équivoque s’il ouvrait les yeux et voyait les pancartes dans les sites officiels. Il n’y en aurait pas s’il était un citoyen espagnol et voyait comment se réduiraient ses droits s’il voulait s’installer en Catalogne ; il n’y en aurait pas si, pour un instant, il ouvrait les yeux et regardait la moitié de la Catalogne dominée par ce pouvoir sécessionniste qui occupe la fonction officielle et qu’il traite avec une courtoisie attentive.

Et si c’était le cas, il devrait agir. Mais notre Gouvernant ne souhaite pas agir, mais plutôt prolonger la confusion jusqu’à ce qu’il soit en situation de s’imposer. Voilà pourquoi il ferme les yeux et propose des bêtises. Et il se dit : encore un jour, encore une semaine, encore un mois…

Nous souhaitons tous arriver au terme. Mais pas au terme qui est sur le point d’arriver. Mais pouvons-nous ouvrir les yeux que le Gouvernant s’obstine à fermer ?

Source : María-José Peña: Cerrar los ojos

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LA CONSCIENCE SOCIALE
María-José Peña

Même le mois d’août ne nous a pas donné de répit. Ce qui a commencé aux yeux de beaucoup comme une affaire en Catalogne est déjà aux yeux de tous ce que c’est : la plus grave crise infligée à la démocratie en Espagne, la crise initiée il y a beaucoup d’années et libérée depuis 2012 : le « procés ».

Nous passons d’un thème à un autre, d’un problème à un autre, alors que tous obéissent à la même crise très profonde : l’assaut de l’État à partir d’institutions de l’État (la Generalitat et ses dirigeants) avec la volonté de le briser, et le manque de réaction, plus encore, l’abandon de ses obligations de la part de cette partie de l’État qui devrait garantir l’ordre constitutionnel (le Gouvernement).

C’est égal que nous parlions d’une chose ou l’autre, parce que dans le fond nous parlons de la même chose. C’est égal que nous nous scandalisions des incohérences dans la plainte introduite par Puigdemont contre le juge LLarena ou de la réponse honteuse de l’État. C’est égal que le Pouvoir judiciaire, les Associations de Juges (excepté « Jueces para la Democracia ») et les Associations de Procureurs aient sauté devant la déloyauté de l’Exécutif par rapport à l’attaque contre le Judiciaire, car c’est lui qui a été attaqué en la personne du Juge LLarena, et c’est égal que le Gouvernement, finalement, rectifie ses propres décisions comme il nous y a déjà habitués malgré la brièveté de l’exercice de son pouvoir.

Ils ne savent pas.

C’est un groupe hétérogène de personnes sans profil politique de gestion, sans cohésion, conduits par un politique ambitieux qui cherche seulement la manière de rester à la Moncloa. Voilà pourquoi il n’a pas convoqué l’ambassadeur en Belgique quand un Juge belge a admis l’absurdité de cette plainte. Voilà pourquoi on n’a pas introduit de protestation formelle devant le Gouvernement belge lorsque cette folie s’est produite. Voilà pourquoi la ministre de la Justice n’a pas encore démissionné, et ne pense pas le faire, après son incroyable décision acceptée de manière tout aussi incroyable par le Président du Gouvernement et par le Gouvernement lui-même en plénier. Ils ne savent pas. S’ils réussissent, bien. Si non, ils rectifient. Par à coups. Ils avancent comme ça.

Cela n’a pas d’importance non plus qu’ils mettent ou enlèvent des lacets jaunes bien que ce soit le symbole de ce qui arrive. Ni que le Gouvernement soit parti en vacances aussitôt entré en fonction, ni que le jour après leur arrivée dans leurs bureaux ils s’en aillent en week-end, tous ensemble, pour se mettre d’accord sur quoi faire à l’avenir.

Ils n’ont pas de programme. Cela n’a même pas d’importance que, alors que le Président récemment entré en fonction manque de Programme politique et improvise au fur et à mesure, il cède cependant à l’avion officiel pour aller à un concert de musique, ou qu’il offre des langoustines à Madame Merkel comme si ni lui ni elle n’avaient pu en manger assez dans leur vie, ou qu’il aille « se présenter et se faire connaître » en Amérique du Sud pendant que l’Espagne se brise à cause de la Catalogne sans qu’il se sente concerné.

Rien de tout cela n’a d’importance. Parce que ce qui a de l’importance et que le pouvoir responsable n’aborde pas, c’est d’arrêter le coup d’État ; le premier, celui qui a donné le pouvoir autonomique catalan depuis la partie du pouvoir de l’État central qu’il représente. Mais il est difficile d’espérer cela parce que le second, celui qu’a monté le leader du Parti socialiste pour arriver à la Moncloa par n’importe quelle voie avec l’appui de toutes les autres forces démocratiques au Parlement pour détruire le Parlement et, donc, l’État démocratique, est garant du premier et son triomphe garantit la protection du premier.

Donc, orphelins de protection politique, il ne nous reste que la judiciaire. Et on y fait appel. Une association du mouvement civique, modeste mais de longue trajectoire, combative et persévérante, « Impulso Ciudadano », ne se soumet pas. Et elle fait appel au Juge, dénonce l’arbitraire politique et la persécution politique du constitutionnalisme en Catalogne… et le Procureur ouvre des enquêtes. Un journaliste connu, Arcadi Espada, fait ce que ne fait pas le Gouvernement, ni la Police, et pacifiquement se soulève : avec de la peinture il transforme le lacet jaune, symbole du coup d’état, en un lacet aux couleurs du drapeau constitutionnel… et il fait honte aux politiques qui restent impassibles.

On ne peut pas attendre plus longtemps. La société, ses Plateformes civiques et de nombreuses individualités pleines d’audace et de dignité, la conscience sociale, ont entrepris le chemin que le Gouvernement ne veut pas parcourir et que l’opposition n’ose pas parcourir : la révolution pacifique mais constante dans toutes les petites choses où ce sera possible, pour élever la voix, montrer la non-conformité, se rebeller pour la défense de notre démocratie, notre Patrie et nos droits. Qu’ils ne soient pas les seuls !

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Source :LA CONCIENCIA SOCIAL
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